La biographie est le récit d’une vie singulière.
Pourtant, cette histoire prend racine dans une époque, un contexte. Et les souvenirs, aussi précis et vivants soient-ils, n’ont pas toujours l’acuité suffisante pour rendre compte du cadre historique avec la rigueur qu’il réclame.
Le souci de réalisme étant une exigence du genre, il devient nécessaire de ne pas traiter à la légère la validité de cette toile de fond.
C’est là qu’intervient une tâche essentielle de la biographe privée. La documentation. La recherche.
Et là, je dis : « Merci Internet ! »
Merci les généreux et les généreuses qui partagent leur savoir, leurs pistes de recherches, leurs bibliographies.
Merci les banques de ressources documentaires, les dictionnaires et encyclopédies en ligne.
Merci à toutes les petites mains qui ont numérisé les archives des communes, des associations, des institutions.
Certes, il m’arrive encore parfois d’avoir à téléphoner, à me rendre dans une bibliothèque (je m’y rends volontiers, j’adore les bibliothèques et les bibliothécaires) pour une ressource qui aurait échappé au lent travail de mise en ligne, mais cela devient de plus en plus rare.
Cette mutualisation des connaissances me fait gagner un temps précieux et me seconde considérablement dans ma poursuite de la justesse.
Si je me déplace encore pour mon métier de biographe, c’est pour me promener dans les lieux de l’histoire, quand c’est possible, mais ça, c’est un autre sujet.
La dernière biographie que j’ai rédigée contenait des moments très spécifiques de la Seconde guerre mondiale. Si les souvenirs personnels de l’autrice étaient très vivaces, son appréciation de la situation générale était un peu plus floue. Pour permettre à ses souvenirs d’exister, un travail de recherche fut indispensable. Les éléments historiques pourraient, à cette condition, englober harmonieusement le récit particulier de cette vie unique.
Pendant les vacances de Noël 1943, le 29 décembre si mes souvenirs sont exacts, la ville de F. connut son premier bombardement. Ce jour-là, j’étais avec ma famille, dans mon village […]. Tous ceux qui pouvaient fuir la ville le firent. Ceux qui avaient une résidence secondaire l’investirent, d’autres cherchèrent abri dans leur famille, d’autres encore […] trouvèrent refuge chez des amis ou des inconnus prêts à ouvrir leur porte aux réfugiés de la grande ville. […] D’abord, quand ils avaient entendu les sirènes, ils ne s’étaient pas trop inquiétés. Depuis le début de la guerre, les alarmes étaient assez fréquentes et les habitants connaissaient les lieux sûrs où attendre la fin de l’alerte. Cependant, jusqu’à ce jour, il ne s’était agi que de fausses alarmes, ce qui explique sans doute pourquoi bon nombre de F. n’interrompirent pas leur déjeuner ce jour-là pour se mettre à l’abri. Pourtant, moins d’une heure après les premières alarmes, le feu s’abattait sur la ville, mutilant, détruisant un nombre considérable de maisons et de bâtiments, tuant plus de trois cents personnes, en quelques minutes. La poussière des murs d’ocre teignit le ciel de rouge, durablement.
Alors? Elle n’est pas belle ma vie de biographe privée?