Partir en aventure
Partir en aventure
J’ai l’impression que j’utilise souvent le mot « aventure ». Le sens que je lui donne est sans doute assez vaste. Du moins, je l’emploie davantage pour ses connotations que pour son sens premier. La connotation majeure que je lui donne est celle de la posture d’ouverture à l’imprévu. « Prêt·e pour l’aventure », pour chaque expérience nouvelle, chaque entreprise enthousiasmante, chaque imprévu. J’aime le son de ce mot qui m’évoque la découverte, les péripéties, le voyage, le dépassement de soi. Elle peut être intellectuelle, spirituelle, physique, émotionnelle, artistique. Que sais-je ? En fait, il suffit parfois d’accueillir sa curiosité pour partir en aventure.
Et puis il y a l’aventure, identifiée comme telle, homologuée, succession de péripéties, de dangers, celle qui se prête tellement au récit. Quand on en a vécu une, on s’en souvient toute sa vie, on aime la raconter, et bien souvent, elle permet de mettre en lumière des facettes ignorées de sa personnalité.
C’est une de ces aventures qu’un jour on me demanda d’écrire. Une vraie, avec des ailleurs, des périls, le déploiement de capacités insoupçonnées, des rebondissements. Une véritable matière de conte.
Celle-là se passait en mer, sur un voilier assez petit, pas très confortable, pas très bien équipé.
Il ne s’agissait pas, cette fois, de retracer la vie entière du narrateur mais simplement cette assez courte période qui avait déterminé sa vision du monde et de l’existence. Il ne souhaitait pas une biographie mais un récit d’aventure dont il serait le héros. C’était ça, pour lui, le récit de sa vie.
Alors, j’ai embarqué avec lui. J’ai emprunté son vocabulaire, le tempo de ses phrases, ses émotions.
J’ai appareillé de M. le 23 août 1983. La mer était encore grosse d’une récente dépression et il a fallu passer la barre qui se forme au bout de la jetée pour sortir du port. Pendant une douzaine d’heures, la remontée s’est effectuée vent debout jusqu’à ce que je vire de bord, au moment où la nuit tombait. J’ai alors fait route vers la côte, dans l’obscurité, sans savoir précisément à quelle distance elle se trouvait avec tous les dangers qu’elle représentait. Mon seul compagnon était un sondeur à piles, c’est lui qui me donnerait le signal pour virer à nouveau quand j’aurais atteint la sonde de cent mètres
Aline B.