Écriture inclusive ?
Comme vous l’aurez sans doute remarqué (ou pas si vous y êtes déjà tellement habitué·e), ce blog est rédigé dans une tentative d’écriture inclusive.
Je sais que je pourrais mieux faire encore en la matière mais je tiens à ce que la lecture reste aisée pour toustes, y compris celleux qui ne seraient pas familiarisé·e·s avec cette façon d’écrire.
Surtout que nous sommes loin du consensus en matière d’écriture…
et d’inclusion…
La lecture des ouvrages d’Éliane Viennot (entre autres) et du guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, publié en 2016 par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, m’a vraiment mis le pied à l’étrier. Puisque des règles existaient, et qu’elles avaient un sens tant historique que linguistique, je pouvais apporter mon petit caillou à l’édifice.
Je suis terriblement consciente de la nécessité de posséder un code commun pour nous permettre d’échanger confortablement et aussi très attachée à l’histoire de la langue française.
Ce qui pourrait paraître en contradiction avec ce choix de l’écriture dite inclusive. Pourtant, c’est assez cohérent.
La langue se modifie de façon naturelle sous l’influence de l’oral et de ses simplifications, des apports étrangers, de l’évolution des modes de vie. Mais, parfois, ces modifications sont forcées, imposées par l’Académie française selon des présupposés parfois fort discutables (et c’est un euphémisme).
Ainsi, lorsque l’Académie a tranché pour l’accord au masculin, au XVIIIème siècle, elle l’a fait en vertu du principe que : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle »[1]. Les choses sont on ne peut plus claires ! Foin de la neutralité du masculin, il s’agit bel et bien d’une déclaration sexiste, masculiniste. Avant cela, l’accord de proximité ou de quantité était la règle et cela ne rendait pas la langue moins simple ou moins logique. On voit bien ici qu’il n’est pas question d’une forme neutre permettant d’alléger le texte mais bien d’une prise de position résolument sexiste et excluante. Et il n’est encore question que d’une division binaire !
En conséquence, je me demande vraiment pourquoi cela fâche tant de personnes ? Question un peu espiègle mais c’est de bonne guerre.
Le lien entre langue et construction du monde n’est plus à démontrer et si une société constate que sa langue ne tient pas compte de sa réalité, l’évolution s’imposera. Reste à savoir si nous avons toustes envie d’une société égalitaire qui ne laisserait pas des représentations toxiques invisibiliser une part importante (ou non, là n’est pas la question) des personnes qui la composent.
À vrai dire, ce choix complique un peu la saisie de mes textes. Insérer le point médian, lutter contre les corrections automatiques et les forcer plusieurs fois avant que la forme que je propose soit admise. Je dois aussi accepter de ne pas être consensuelle, d’attirer sur moi les foudres de mes collègues correteur·ices et rédacteur·ices qui jugent souvent cette « mode » inesthétique, embarrassée et peu fidèle à nos chères règles orthographiques et grammaticales. Cela serait tellement plus simple si l’on graissait un eu les rouages de la vieille machine.
Cependant, j’essaye de rester fidèle à mes valeurs et d’agir dans le sens du monde que je souhaiterais léguer. Je tente d’accompagner l’évolution de ma langue natale de la même manière que je fais attention à mes déchets ou à ma consommation.
Bien sûr, lorsque je rédige pour autrui, je m’en tiens encore aux règles communément admises. Cela me coûte parfois. J’utilise les termes épicènes aussi souvent que possible.
Je dois reconnaître que l’on ne m’a encore jamais demandé de rédiger une biographie en écriture inclusive et que si cela devait arriver, cela me demanderait sûrement une concentration et un effort supplémentaire. Parce que ce sera nouveau pour moi. Cela ne serait sûrement pas plus difficile que de la rédiger en alexandrins, après tout, les règles de métrique sont bien plus contraignantes que celle de l’écriture inclusive.
Peut-être qu’un jour on rira de ce débat.
[1] Nicolas Beauzée, grammairien membre de l’académie française 1772