Toutes les histoires qui restent à raconter

Si l’on fait abstraction de mes toutes premières tentatives, je n’ai jamais raconté la vie de gens très proches de moi. 

Les personnes de mes biographies étaient toujours des inconnu·e·s, du moins l’étaient-elles jusqu’à notre première rencontre. 

Comment peut-il en être autrement ?

Pourtant, j’imagine souvent ce que cela ferait d’écrire l’histoire des femmes et des hommes de mon cercle.

J’y pensais l’autre jour en refaisant le monde avec Christine et Bernard. 

Ce couple-là a vraiment une histoire à part. 

Je les ai rencontré·e·s il y a une vingtaine d’années, dans le bleu englobant de l’île que nous avions élue. 

Leur petit atelier de poterie, situé sur les hauteurs d’une crique encore un peu sauvage à l’époque, connaissait un joli succès. Les commandes allaient bon train et il n’était pas rare de découvrir quelques faïences dessinées par Christine aux portails ou dans les salles de bain de quelque villa de luxe.

La maison que ce couple avait choisie pour s’installer en Corse était une rescapée des nuits bleues, mais après le passage de Christine et Bernard, il ne restait plus la moindre cicatrice de ces anciennes blessures. Elle surgissait fièrement au milieu d’un jardin pas toujours très discipliné, silhouette presque rouge aux volets bleus, annoncée par un grand panneau de céramique cimenté au pilier et annonçant la présence de l’atelier de poterie. Plus de quinze ans après leur départ de l’île, et même si la maison n’abrite plus d’artisan·ne, on peut encore le voir, personne n’a eu envie de détruire cette enseigne.

Un beau jour, toute la famille a abandonné ce petit paradis pour aller en créer un autre, dans leurs terres d’origine cette fois. 

Le domaine de Cadablès

Je me souviens très bien des débuts sur le domaine de Cadablès qui n’était à l’époque qu’un vieux mas presque laissé à l’abandon au milieu de quelques hectares de vignes et de garrigue. Je me souviens des premiers mois où la propriété n’était pas habitable et où il fallut loger dans des tentes et se laver à la douche de jardin, hiver comme été. La plus jeune de la tribu commençait tout juste à faire ses premiers pas. J’observai cette aventure avec un mélange d’admiration et d’inquiétude. Mon inquiétude ne rendait pas justice à la force créatrice de ce couple magique.

Aujourd’hui, non seulement le domaine de Cadablès produit l’un des meilleurs vins bio de la région (de l’avis de mes papilles) mais il est aussi l’un de mes endroits préférés en Languedoc. Un monde magnifique, un lieu accueillant, où l’on a envie de rester pour un peu plus de soleil, un peu plus de midi, un peu plus de chaleur humaine et de poésie. 

Et même si la vue panoramique depuis la terrasse du mas est à couper le souffle, même si l’on y embrasse tous les paysages du Languedoc jusqu’à la mer, ce n’est pas le plus impressionnant de votre séjour à Cadablès. Non, le plus impressionnant est sans conteste la manifestation de ce que peuvent accomplir le rêve et la passion. Le plus impressionnant est la présence, dans chaque parcelle de terrain, chaque pierre de mur, chaque coup de taloche, chaque plante, de cette formidable énergie humaine.

Vraiment, ce serait un privilège pour moi si je devais, un jour, raconter cette aventure.